En 1993, à la parution de Flon-Flon et Musette, le n°4 de Citrouille publia un texte où Elzbieta expliquait la raison de son ouvrage. Très vite, l’album fit grincer quelques dents. Celles, par exemple, de parents d’élèves qui écrivirent à l’éditeur. Le n°7 de Citrouille proposa alors à Suzy, une institutrice de maternelle, et à Cléo, une de ses élèves de six ans, de réagir. Mis en ligne quelques années plus tard, les articles de ces deux numéros de Citrouille provoquèrent les commentaires d’internautes. Revoici l’ensemble en quatre parties :
– Le texte d’Elzbieta
– Les courriers de parents à l’éditeur
– Les témoignages d’une institutrice, Suzy, et d’une de ses élèves, Cléo
– Les commentaires d’internautes
Les commentaires des internautes
Écrit par : DUGAND Bernadette |
11 novembre 2007
J’ai moi-même exploité ce conte dans un classe de CP, en ZEP ; je l’avais inclus dans un réseau littéraire sur le sentiment amoureux.
Aux côtés de contes traditionnels merveilleux qui finissent par « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », mes élèves ont apprécié de partir à la rencontre de personnages qui s’aiment, qui s’attendent, qui traversent les épreuves……… Comme eux.
La guerre dans tout cela ? Dans les ZEP de France, quand on a 6 à 8 ans, on a parfois côtoyé la guerre, la vraie…… et c’est bien d’en parler et d’être accompagné.
Et puis quand ce n’est pas la guerre, c’est la vie, et les papas qui s’en vont pour d’autres horizons et qui en reviennent un peu meurtris, on en connaît et on en parle.
A travers ce conte, on apprend qu’on peut vivre et s’aimer malgré tout….. Non, ce n’est pas débile.
Écrit par : sylvie Bedfert | 10 juillet 2007
Enseignante en maternelle, j’utilise le roman Flon-Flon et Musette depuis plus de dix ans au moment du 11 novembre por évoquer la guerre.
C’est en faisant des recherches sur les exploitations possibles du roman en maternelle que je suis tombée sur les réactions des deux parents indignés : je suis stupéfaite de leurs réactions : que de violence dans leurs propos !
Pour moi, Flon-Flon et Musette est le plus bel hymne à la paix que je connaisse pour des enfants en primaire. Après avoir lu le roman, je leur explique le 11 novembre grâce à une fiche de Perlin et Pinpin, on discute ( Qu’est ce que la guerre ? Y a t-il encore des guerres ? Qu’est ce que les adultes peuvent faire quand ils ne sont pas d’accord au lieu de se battre …) et on finit la discussion par un dessin légendé « il ne faut pas faire la guerre car… ».
J’utilise aussi le roman Petit Gris pour parler de la pauvreté.
Chapeau pour vos romans Mme Elzbieta !
Écrit par : julia rabier |
17 décembre 2007
J’ai suivi des études d’illustration et je désire à présent devenir auteur et illustratrice d’album jeunesse. Je travaille en ce moment sur mon premier projet d’album et la question du thème s’est posé plus d’une fois. Cette fois ci ce sera la jalousie entre frères et soeurs mais j’ai en réserve une histoire qui traite du difficile sujet de la mort. Pourquoi pas de la guerre? Quelque soit les réticences des parents l’éditeur ne peux censurer un livre qui aborde un sujet délicat. Bien au contraire, si ce sujet est abordé de manière sensible et intelligente, il sera d’une grande aide pour l’enfant. Ecrire pour les enfants comporte une responsabilité et aucun des passionnés de ce milieu de l’édition ne la prend à la légère. Mon avis est d’inclure dans cette responsabilité le devoir de ne pas succomber aux tabous et aux idées reçues.
Je souhaite aussi rappeler que les contes populaires (que vous présentez comme des modèles de joie édulcorés)ont été transformés au fil des siècles par des collecteurs comme Perrault et eux même censurés pour ne pas choquer les bien pensants de la Cour de Louis XIV. Des passionnés ont essayés de sauver les contes de la littérature orale qui survivaient dans les campagnes jusque dans les années 1950. Ces versions là sont beaucoup moins gentilles et pourtant bien plus fortes et édifiantes. Certes le prince et la princesse se marient à la fin, mais ils surmontent avant des épreuves chargées de symboles et parfois très dures.
Je suis partisane de la douceur mais aussi de la sincérité et dans Flon-Flon et Musette, la couverture à elle seule est un message d’espoir: ils sont deux et ils s’aiment. Je pense que l’ enfant ressent en lui même la notion de drame. Il suffit de lire avec lui L’arbre sans fin de Claude Ponti pour sentir son profond questionnement au moment de la mort de la grand-mère, et l’énergie bienfaisante qu’il ressent en refermant le livre.
Surmonter, c’est aussi ça grandir.
Écrit par : Aurelie |
15 octobre 2009
J’ai 21 ans, et le seul livre que j’ai gardé de mon enfance (4-5 ans) c’est Flon-Flon et Musette. C’est même le seul dont je me souviens. C’est une magnifique histoire. Nous vivons chaque jour dans un monde en guerre, ce livre ma fait comprendre le mal autrement que par des images vu à la télévision. J’ai compris le mot guerre et le mot amour, le monde n’est pas beau mais il le devient grâce à l’amour. Je ne seras jamais prête à faire la guerre, sans doute grâce à ce livre et surtout j’ai jamais fait de mal à personne. Ce livre, c’est lui qui m’a fait découvrir la vie.
Je fais toujours attention à ne pas réveiller la guerre.
L’illustration est simple mais très forte et l’histoire est tout simplement magnifique.
Écrit par : heloise |
11 février 2010
En réponse à tous les parents, enseignants, adultes qui ont peur de voir leur enfant traumatisé en lisant ce livre :
J’ai 22 ans et ce livre est un des seuls dont je me souvienne petite. L’histoire est belle et imparfaite et c’est ce que les enfants retiendront. Pourquoi les penser toujours incapables de comprendre la réalité ? Moi je pense que la vie de beaucoup d’entre nous ressemble ou a ressemblé à celle de Flon-Flon et Musette.
Les enfants retiennent l’histoire d’amour plus que l’histoire sur la guerre même si les images sont fortes (ce sont des lapins ne l’oublions pas).
Donc laissez les lire en paix.
Écrit par : celine |
20 octobre 2010
je suis enseignante et j’ai étudié cet album avec mes élèves.
pourquoi? pour leur montrer ce qu’est la guerre, eux qui pensent comme das les jeux vidéo qu’après game over on recommence tout et puis pensez vous que Barbe Bleue, le petit chaperon rouge ne sont pas tout aussi violent que Flon-Flon et Musette? un homme qui tue ses femmes et une gamine qui désobéit et se fait manger par un loup…… Cet album amène beaucoup de questionnement et surtout c’est une très bonne base pour l’éducation civique……
Librairie VOYELLES, Les Sables d’Olonne
Écrit par : Olivier ANSELM | 07 juillet 2007
Ce débat eut donc lieu en 1994, l’année… du génocide au Rwanda, l’année qui précéda le martyr de Sarajevo et les massacres de Srebrenica, quelques temps avant que la folie s’empare du Kosovo. Pour ne s’en tenir qu’à des événement relativement proches de nous. Inutile de dire qu’en tant que libraire jeunesse mais aussi en tant qu’ancien professeur d’histoire j’approuve sans réserve les propos d’Elzbieta et que j’applaudis à l’initiative intelligente de l’enseignante de maternelle.
Certes, la guerre n’est pas un sujet facile ; il est, sans mauvais jeu de mots, éminemment miné ! Mais, à mon avis, la seule erreur certaine et grave que l’on commettrait à ce propos, c’est de ne jamais en parler aux enfants ou en en gommant artificiellement l’essence tragique ! Or, toutes mes expériences personnelles et professionnelles m’ont prouvé que les enfants, quel que soit leur âge, ont toujours plus de compréhension et de sagesse que les adultes ne leur en prêtent a priori. Mais ce que j’ai également appris, c’est les enfants appréhendent d’autant mieux ce sujet que les adultes qui leur servent de médiateurs (directement ou indirectement : auteurs, enseignants, parents) ont une pensée claire, sinon saine, vis-à-vis du sujet lui-même.
Du coup, il me semble (sans vouloir leur jeter la pierre) que ceux qui me paraissent les plus « traumatisés » dans ces débats, ce sont les parents qui s’expriment. Traumatisés face au tragique de la guerre, au tragique de la vie elle-même (dans un sens camusien, c’est-à-dire une vie dénuée de transcendance et absurde, une absurdité contre laquelle on se révolte, lucide – la vie, le monde, les hommes sont ce qu’il sont – mais jamais résigné), au tragique aussi de leur rôle de parents qui désirent naturellement paix et bonheur complets pour leurs enfants et qui pourtant ne peuvent faire fi des réalités de l’existence (une existence qui nous concerne dès que nous venons au monde, et qui n’attend pas que nous ayons 3 ans, 6, 7, 10, 15 ou 18 ans…).
A une échelle moindre, mais tout aussi problématique et attristante, je remarque en tant que libraire que bien souvent, des parents ou grands-parents sont réellement effrayés, très inquiets et pour tout dire immédiatement rebutés lorsque je leur présente un album qui présente, même de manière très minime, des scènes ou des situations « qui peuvent faire peur » ! Et à ce compte là, même un vague loup, ou un air de sorcière, ou encore tout simplement un visage qui n’a pas l’air résolument épanoui et pleinement heureux, ou bien un peu trop de « noir » au lieu de couleurs pimpantes, peut les dissuader complètement de « mettre ça » entre les mains de leur enfant (trop jeune, trop fragile, trop sensible, trop impressionnable, etc.).
Très naïvement, avant de devenir libraire, il me semblait que des décennies de recherches, analyses, réflexions, connaissances… en pédagogie, psychologie ou psychanalyse… ou le travail de fonds des artistes, des enseignants, des éducateurs… avait fini par mettre quasiment fin à ces comportements irrationnel de crainte ou ces conceptions « rose cocon » de l’enfance. J’avais tort.