Chronique de Leslie Vega, Citrouille n°61 – avril 2012 |
En librairie spécialisée jeunesse, il y a toutes sortes de clients. Enfin, la gamme n’est pas non plus si large que ça, mais quand-même.
Dans cette gamme, il y a les habitués, ceux qu’on finit par reconnaître, dont on se rappelle le nom, puis le prénom des enfants, et au bout d’un moment, il arrive qu’on se tutoie. Ceux-là, moi je les appelle les fidèles.
Il faut savoir que les fidèles le sont, fidèles, à plusieurs choses. À la littérature jeunesse, à des auteurs, à des illustrateurs, à la librairie jeunesse qu’ils fréquentent mais aussi à LEUR libraire jeunesse. Oui, il vaut mieux le savoir.
Alors, le fidèle, quand il arrive dans SA librairie et qu’il ne voit pas SA/SON libraire, ben, il se déstabilise pas. Il est un peu chez lui après tout… En tout cas, bien plus que la nouvelle libraire qu’il voit là. Parce qu’il a l’œil, il repère aussitôt qu’il y a une nouvelle libraire. Naïvement, elle lui propose d’ailleurs de l’aider. Mais il a pas besoin d’aide, non, il flâne, il tourne… Il attend SA/SON libraire.
La nouvelle libraire qui vient de débarquer, elle se froisse pas pour ça, elle sourit. Elle sait, faut qu’elle fasse ses preuves. Et pour peu qu’elle soit joueuse, ça l’amuse même. Elle prend donc ses marques dans cette nouvelle librairie où tout lui est familier, mais pas dans l’ordre auquel elle était habituée. C’est comme si elle rentrait chez elle, ses meubles sont bien là, mais plus du tout à la même place.
Bref. Arrive alors un autre client qui, manifestement, ne fait pas partie des «fidèles». Il veut un conseil, il a une libraire toute disponible à sa disposition, il hésite pas, il demande. Et la libraire, ravie, fait le boulot qu’elle adore. Elle le fait pour elle, pour la personne qui lui demande conseil mais aussi pour le fidèle, l’air de rien. Ben oui, rappelez-vous, elle est joueuse la libraire! Et le fidèle est attentif parce que, quand même, si ce n’est pas SA libraire, c’est tout de même SA librairie, et qu’il a l’habitude qu’on y conseille bien, et qu’il ne faudrait pas que ça change. Alors il tend l’oreille.
Et comme la nouvelle libraire a l’air de s’y connaître un peu, comme dans sa voix il y a le plaisir de partager, il va la voir et lui dit que finalement si, il veut quelque chose de précis. Et la libraire sourit, encore. Mais bon, c’est pas gagné, c’est juste un premier pas. Il faut du temps, avec les fidèles. Surtout si la nouvelle libraire n’est pas physionomiste!…
Leslie Vega