Comment ne pas empêcher les enfants de lire? – cinq judicieux conseils de Bernard Friot (+ vidéo)

Comment peut-on accompagner les enfants, pour développer leurs compétences en lecture, pour construire leur parcours de lecteur autonome? Comment favoriser le désir et le plaisir de lire chez ces jeunes lecteurs? Comment rendre la lecture accessible au plus grand nombre? Comment s’y prendre? Quelles sont les formes et les pratiques à favoriser dès l’entrée au CP?… Voici quelques pistes proposées par Bernard Friot – qui a bien l’intention, un jour, d’écrire un livre pour les développer (on l’attend avec impatience!)

1. Il faut commencer par se poser la question: «Comment ne pas empêcher les enfants de lire? » et pour cela repérer les obstacles et les lever. Par exemple, le manque de temps, la difficulté d’accès aux livres (combien de classes sans livres!!!), les discours culpabilisants, l’élitisme des pratiques de médiation, l’étroitesse des propositions de lecture, etc. Il n’est pas normal qu’il y ait à la fois tant de livres sans lecteurs (notamment sur les rayonnages des bibliothèques), et tant de lecteurs sans livres.

2. Il faut associer les familles et l’entourage des enfants; et le premier pas est de ne pas présupposer qu’il n’y aucune pratique de l’écrit dans les familles.

3. L’apprentissage de la technique de lecture est inefficace s’il n’est pas lié à une pratique quotidienne de la lecture sur quelque support que ce soit; pour devenir un lecteur aguerri, il faut des centaines d’heures de «pratique». Or le temps réel de lecture à l’école est très limité (on a mesuré que pour les enfants les plus en difficultés il ne dépassait pas deux minutes par jour!). Il faut repenser et la pédagogie et l’organisation du temps non scolaire pour permettre des rencontres fréquentes (et nécessaires) avec l’écrit.

4. Lire, ce n’est pas seulement déchiffrer et interpréter un texte, c’est un ensemble de «gestes» culturels qui doivent être «transmis»: fréquenter une bibliothèque, savoir choisir un livre parmi une multitude d’autres en fonction de ses besoins, ses goûts, ses compétences, parler de ses lectures, trouver le type d’écrit pertinent quand on recherche l’information, etc.

5. Lire est une pratique sociale: on est lecteur parce qu’on est inscrit (directement ou indirectement) dans une communauté de lecteurs; il est donc important de favoriser les échanges entre les lecteurs de tous âges (notamment entre enfants plus grands et plus jeunes) et de permettre aux enfants de rencontrer des types de lecteurs très divers: on devient lecteur parce qu’on peut s’identifier à un modèle de lecteur. De ce point de vue, il conviendrait de repenser les manifestations autour du livre (salons, interventions en bibliothèque et en librairie) pour qu’elles deviennent des rencontres entre lecteurs. Les Italiens nous montrent la voie et je conseille, par exemple, de lire le site de l’Association des libraires indépendants pour la jeunesse, où l’on trouve de nombreuses propositions intéressantes (http://librerieindipendentiragazzi.com/).

    Bernard Friot – in Citrouille n°68